La journée du 9 novembre 1942

Ou comment un drame aurait certainement pu être évité

Il n’est pas forcément facile de revenir sur un épisode douloureux qui a fortement marqué la population nazairienne. Mais à la lecture du livre de Michel Lugez « Missions de bombardements américains sur Saint-Nazaire » (éditions Ouest-France) et la liste des 50 bombardements qu’a subit la ville (voir ou revoir la liste ICI), on est en droit de se poser quelques questions sur les circonstances de ce drame.

On a vu un peu plus haut, que les Chantiers et Ateliers de Penhoët avaient pris la décision de créer leur propre école d’apprentissage. La première « promotion » fut lancée en 1917 et comprenait 167 jeunes de treize ans et plus. Cette démarche sera d’ailleurs bien utile après la crise de main-d’œuvre subit par l’industrie navale après le conflit 14-18.

En novembre 1942, l’évacuation des enfants des écoles primaires a déjà commencé. L’école d’apprentissage, elle, continue de fonctionner avec 220 apprentis…

Sur les 50 bombardements recensés  39 furent réalisés par les anglais et 11 par les américains. Le tout premier raid eu lieu le 12 juin 1940, par la R.A.F. l’aviation anglaise, faisant les huit premières victimes.

Concernant le drame des apprentis, voici les principaux éléments sur lesquels je souhaite revenir :

>> Il se déroula à l’occasion de la première mission américiane sur Saint-Nazaire le 09 novembre 1942 (les USA sont entrés en guerre fin 1941).

>> Trente sept autres bombardements anglais avaient eu lieu avant cette date…(cf la liste)

>> Dont 6 avaient plus particulièrement touché les Chantiers Navals, déjà ! (cf la liste)

>> La seule protection contre les bombes, pour les jeunes et leurs professeurs, consistait en des tranchées recouvertes de tôles !

>> L’opération, dont la cible était la base sous-marine et les chantiers navals, mobilisa 31 bombardiers B17 F et 12 bombardiers B24 F (à comparer aux escadrilles de 430 bombardiers de la RAF lors du raid du 28 février 1943 – cf livre de Michel Lugez).

>> Pour une meilleure efficacité les avions devaient voler à très basse altitude lors de cette mission, soit 2 000 mètres alors qu’habituellement les bombardement anglais se faisaient à 6 ou 7 000 m hors de portée de la DCA allemande. A tel point que trois appareils furent abattus et 23 endommagés (cf livre de Michel Lugez). Et que les destructions faites, correspondirent bien à l’objectif assigné (hormis la base, indestructible, bien entendu).

>> Les autorités américaines avaient prévenu, par tracts et par radio, de l’imminence d’attaques aériennes sur les sites stratégiques en France, comprenant les bases sous-marines, les gares de triage, les ports maritimes,… en demandant à la population de s’éloigner de ces objectifs.

>> La base sous-marine de Lorient ayant été bombardée le 21 octobre 1942 et celle de Brest le 7 novembre 1942, il était évidemment prévisible que le tour de Saint-Nazaire ne tarderait pas à venir.

>> Les chantiers navals avaient arrêter leurs activités avant la fin de l’année 1940.

Un rescapé de cette journée raconte : « des alertes il y en avait déjà eu, on appelait ça des « récrés », on nous faisait sortir… ». C’était un lundi à 13 h 50, ils sont sortis, sont allés se cacher, « comme on nous avait dit » rajoute t-il.

« On savait qu’il y aurait des bombardements, le déménagement avait été évoqué, mais il avait été répondu que c’était un peu lourd de déplacer le matériel »…

La tranchée des apprentis était creusée dans du sol meuble dans le parc à tôles, tôles qui étaient couvertes de bouteilles d’acide,  déposées là, en stockage, et que personne n’avait déplacées.

Alors… ??

Comment ne pas s’étonner, s’indigner de tant de légèreté, de tant d’imprévision, de tant d’incompétence, de la part des adultes, quels qu’ils soient ?

Pourquoi ces enfants n’ont-ils pas été mieux protégés ? Pourquoi étaient-ils encore présents dans un chantier déjà en partie détruit ? et que l’on savait être une cible prioritaire des bombardements alliés ?

Non, ces enfants n’ont pas été « massacrés » par les américains lors de ce raid, comme il a été écrit un peu partout à l’époque (et encore récemment). Ils ont d’abord et plus simplement été victimes de l’irresponsabilité de leurs aînés.

Hervé Guével (rédacteur du site)